Le premier est un CD que j'ai découvert avec un peu de retard par rapport à sa sortie (2005) et je vous l'avais alors signalé, mais il m'avait bien donné l'envie de vous en parler plus en détail. Je saisis donc l'occasion du second enregistrement de ce trio pour le faire.
Aurelia c'est tout d'abord Aurélie Dorzée, la violoniste qui a longtemps joué aux côtés de Luc Pilartz : de Panta Rhei à Trio Trad en passant par Musique à 9.. C'est elle également qui a magnifiquement dirigé les cordes sur le CD live " 10 " d'Ambrozijn. Une musicienne qui avait indéniablement la carrure pour voler des ses propres ailes et c'est chose faite depuis le premier album de ce trio où elle rassemble autour d'elle le chanteur Tom Theuns (d'Ambrozijn notamment) et le percussionniste Stephan Pougin (membre de l'aventure Panta Rhei également).
Si vous consultez les biographies de ces trois musiciens vous constaterez que la présentation que je viens de vous en faire est une vue très ciblée public trad. ouest-européen et qu'ils ont tous trois autant d'expériences dans d'autres genres musicaux (du baroque au contemporain en passant par le jazz, mais également que l'un ou l'autre a approfondi, à un moment de sa carrière les musiques de l'est, indienne, africaine, cubaine, blues.).
En voyant jouer Aurélie Dorzée sur le répertoire trad., nombreux sont ceux qui pensent qu'elle " vient du classique ", mais en réalité, elle a poursuivi sa formation (solfège, violon, composition) en parallèle avec ses activités au sein de Panta Rhei et autres. Si je vous explique tout cela c'est que ces deux Cds, sont la résultante de ces parcours, la rencontre de trois musiciens mettant chacun dans le pot commun des expériences déjà multiples. Le jeu de violon de " Festina Lente " comporte, par exemple, des traits pas forcément courant dans les répertoires traditionnels et plus familiers dans les pièces classiques. La force de ces compositions est, en l'occurrence, de tirer parti des deux domaines, d'utiliser ces traits sur des structures mélodiques venues d'autres horizons, à bon escient, sans donner dans le technique ou dans l'effet gratuit.
Sur ce premier CD, de valses lentes en rythmes plus balkaniques, le violon, à la belle sonorité, reste relativement sage et c'est surtout Tom Theuns qui apporte, par sa voix, sa guitare et divers autres instruments, une touche de modernisme qui dérangera parfois un peu certaines oreilles.
" Hypnogol " par contre, à l'image de son titre, bien que toujours acoustique, est plus ouvertement novateur, le violon y apparaît davantage varié dans ses sonorités, les percussions plus présentes, parfois en véritable voix supplémentaire. Aurélie Dorzée s'y lance dans des parties chantées, soit sur une véritable chanson, soit en voix d'arrrière plan : un premier essai plutôt prometteur. Tom Theuns, de son côté, chante en anglais à la Léonoard Cohen, et en allemand. Malgré la variété de ces ingrédients, ils savent toutefois éviter l'effet " catalogue " et chacun des deux albums présente une belle unité malgré ces influences multiples et certains contrastes entre plages.
Pour ceux qui ont besoin d'un point de départ pour se stimuler l'imagination, les différentes plages possèdent naturellement un titre mais également une petite phrase explicative et, sur le second CD, tout cela constitue une petite trame narrative. Une mention également à la qualité du rendu sonore (prise de son, mixage.)
Si, comme le dit Aurélie dans une interview, le second CD témoigne d'une plus grande maturité du groupe et d'une plus grande fusion entre les trois personnalités, je garde une préférence pour le premier, pour cette sonorité du violon qui semble vous parler directement et également pour la plage qui le conclut, la seule qui ne soit pas une composition d'un des membres du trio : une belle transcription de la plus prenante des gnossiennes de Satie.
Jean-Luc Matte