Déjà un groupe avec un nom à coucher dehors qui intitule un de ses albums Marcel, ça semble ne pas faire très sérieux. Et quand on sait que le nom du groupe, OLLA VOGALA, veut dire « tous les oiseaux » et que ledit Marcel est un personnage fasciné par l'évolution de tous les poissons à travers les âges, fascination qui tourne à l'obsession, on se dit qu'on a franchement raison d'en rester là de cette histoire. Et pourtant la vérité est qu'OLLA VOGALA est un groupe sérieusement talentueux et que Marcel est une nouvelle preuve qu'il n'est pas considéré comme l'un des plus prestigieux de Belgique pour rien.
Il faut avouer qu'OLLA VOGALA n'est pas une formation ordinaire. D'abord elle ne compte pas moins d'une quinzaine de membres permanents et elle s'aventure de plus dans tous les styles. Que ce soit le jazz ou le folk, le tango, les musiques du monde ou le néo-classique, rien ne lui fait peur. Bien sûr, l'instrumentation est à l'avenant. Outre des violons, trompettes, sax et clarinettes assez habituels, il y a aussi une viole de gambe, un accordéon diatonique, un oud, une vielle à roue et une cornemuse. Et comme si une quinzaine de membres lui semblait un chiffre un peu juste, elle ne cesse d'inviter des musiciens de renom au gré des albums ou des concerts. Résultat, OLLA VOGALA, groupe flamand basé à Gand et fondé par Wouter VANDENABEELE, écume les scènes les plus en vue de la Belgique avec une réputation quasi-mythique.
La formation a cependant eu des débuts très modestes. Au commencement, c'est-à-dire en 1997, elle n'était qu'un sous-produit, si je puis dire, du collectif gantois OKO FON BIO, spécialisé dans l'accompagnement musical des films muets. Atteindre le stade de l'autonomie et de la reconnaissance prit donc un peu de temps. Cependant, dès le départ, le caractère original et farouchement libre d'OLLA VOGALA éclata. Encore fallait-il que le groupe croie à son concept de base assez longtemps pour que le succès vienne. Il faut dire que mélanger continuellement chansons médiévales, musique de chambre, bourrées auvergnates et mélodies arabes peut autant dérouter le public que l'enthousiasmer. A présent, OLLA VOGALA n'a plus rien à prouver de sa valeur, atteignant même le stade officieux mais assez réel d'institution. Et c'est tant mieux, car quel autre groupe pourrait sinon nous chanter a cappella des recettes de cuisine en latin avant de se lancer dans une improvisation instrumentale autour d'un sitar indien ?
Encore une fois, dit comme cela, tout cela sent un peu la farce ou l'esbroufe érigée en système. Mais il suffit d'écouter OLLA VOGALA pour convenir qu'il s'agit plutôt là de virtuoses, chacun dans son genre, ayant décidé une bonne fois pour toutes de ne plus se conformer aux barrières qu'on met habituellement entre les styles afin de faire de tous les styles un vaste style global.
Et c'est ce qu'on trouve dans Marcel, une musique jouée et chantée à la perfection mais dans une fusion des genres telle qu'elle confine à la réalisation l'air de rien d'une véritable Babel musicale. On perçoit aussi dans Marcel comme une sorte de retour en filigrane à la musique de film, sauf que ce film est à rêver, tantôt drôle, tantôt triste, mais toujours absolument superbe
Frédéric Gerchambeau - Ethnotempos 39